Retour à Syphax mars 2006                                                                     

Voilà je prends le crayon pour vous raconter mon histoire depuis cet endroit chargé d’histoires glorieuses, depuis les guerres puniques à ce jour. Ces jours que nous vivons avec mon ami Olivier (en arabe zitoune ) à peine sortis des eaux qui nous ont données tant de joies et d’émotions en présence de cette faune et de cette flore d’herbiers de posidonies, bercées par la houle et le courant comme une immense chevelure d’un coursier lancé au galop dans une chevauchée fantastique.

Les sensations du fond des mers me reviennent et ce sujet, nous l’évoquions en partageant nos émotions et notre goût pour la chasse sous-marine. Tels des guerriers, équipés de palmes, masques, tubas, d'une combinaison et armés d’arbalètes nous partons en croisade.

Nous n’allons pas en guerre mais la gloire nous accompagne. Nous évoluons avec efforts et aisance au gré des courants. Oui dans l’eau nous vivons en harmonie dans ce monde du silence. Silence qui, sous l’eau, n’existe pas, mais dont je ne perçois pas les nuances tels que les bruits des poissons quand ils claquent.

Nous échangions nos techniques  d’approche, de camouflage, d’agachons. Cette traque du poisson nous inspire et nous sublime. Nous sommes transformés. Nous n’avons plus de jambes mais une queue à deux branches. Nous voyons bien même dans les bulles des vagues s’écrasant sur les falaises. Nous cherchons les endroits les plus propices. Quelque fois très proches, mais souvent éloignés, nous inspectons les meilleurs sites. Puis nous nous rejoignons pour commencer un retour lent et sinueux afin de couvrir la plus grande zone possible.

 Le lendemain, nous reviendrons avec une topographie complète de notre zone de chasse et une stratégie élaborée à partir de toutes ces informations recueillies en cette première sortie. La mise à l’eau est prévue pour six heures trente, mais pour l’instant je note mes émotions.

 Il faut que je vous dise que quelques péripéties nous ont retardés à ORAN ce qui rendait l’arrivée à SYPHAX plus improbable. SYPHAX se mérite. IL faut du courage et de la patiente ainsi qu’une bonne dose de chance pour venir ici, mais si tu as l’envie et la force, alors tu connaîtras la gloire l’amitié et l’amour. Donc, SYPHAX, village touristique batti en équilibre sur la falaise, aux maisons épousant le relief dont la plus éloignée est celle de mon frère AMINE. Oui, j’ai dis frère parce qu’il est mon frère de cœur, mon frère de choix. Nous sommes frères c’est tout, ça nous suffit. Ce village touristique du nom du roi SYPHAX qui a combattu JULES CESAR nous ouvre ses portes et les habitants nous ouvrent leurs bras et leurs cœurs. Nous baignons dans des flots de joies et notre bonheur est grand. Déjà ZITOUNE a peur que le séjour passe très vite.

 Ce n’est pas le temps passé qui importera, mais l’émotion du moment qui l’emportera.

Ici on s’adapte et on s’intègre. Ici tu perçois ce qui t’échappait, parce que tu n’écoutais plus, parce que tu n’entendais plus, parce que tu ne voyais plus. Ici je n’ai plus de forme (moitié homme moitié amphibien), c’est de fond dont je suis fait. Au fond de moi, il y a le calme, la sérénité, la joie et l’envie. Partage donc avec nous les aventures de ZITOUNE et d’HUBERT. A demain donc pour la suite des aventures parce qu’il me faut dormir.

5 heures 30 et déjà l’envie de s’activer, alors en attendant, je regarde le ciel étoilé dont certaines sont posées sur la mer. En fait il s’agit des feux de positionnement d’une flottille de pêche. Un vent léger souffle de la mer et j’ai bien peur qu’il se renforce.

La nuit de sommeil fut courte et peu réparatrice et le corps est douloureux. Retour de la chasse vers 11 heures suivit des courses au marché de BENI SAF, avec pour guide et chauffeur RYAD, le frère d’AMINE.Il nous a raconté son séjour dans 2 prisons pendant 7 mois.

 Nous avons mangé le reste du poisson d’hier avec des spaghetti aux herbes ( coriandre, aneth, menthe ) avec du poivre, du cumin, et des oignons revenus dans du beurre et du citron, c’était un vrai régal.

 

Maintenant la mer est calme, le soleil va se coucher dedans et nous allons nous préparer pour une chasse de nuit. Retour de notre sortie de nuit, équipés d’une arbalète munie d’une torche attachée en tête de fusil, nous évoluons sans bruit. A la lumière nous découvrons les fonds marins repérés de jour. Nous prospectons une vaste zone et nous tournons un peu en rond.4 poissons et 3 seiches pendront à la ceinture de ZITOUNE. C’est ma première sortie de nuit comme chasseur mais pas comme plongeur.

Je retrouve cette émotion intense d’une atmosphère étrange.

 Tantôt allumée, tantôt éteinte la lampe assure très bien sa mission et nous permet de nous diriger aisément.

Il faut rentrer et se changer. Fatigués nous allons dormir, il est 3heures30 la chasse aura durée 2heures 30.

Le temps change très vite et les conditions de chasse ne sont pas propices. Nous attendons un coup de mer qui ramènera le poisson à la côte. Zitoune aime les grosses conditions météo, les sensations y sont plus intenses. Le vent se lève maintenant, le coup de mer s’annonce fort.

Nous aurons du temps pendant la tempête pour nous reposer et nous préparer pour nos prochaines sorties.

Ce séjour à SYPHAX se passe bien et nous subvenons à nos besoins. La nourriture est saine et fraiche. Le poisson constitue la base des repas, il est accompagné de légumes et de féculents. Des fruits séchés sont mangés à tous moments.

 La santé est mise à rude épreuve, les conditions climatiques ne sont pas bonnes et l’humidité est constante. ZITOUNE n’était pas bien, c’est donc seul que je me suis mis à l’eau mais le poisson n’était pas là. Nous espérons faire une sortie sur d’autres sites, en attendant nous rongeons notre frein.

 Ici pas de distractions, ici il n’y a que le spectacle de la nature. Nous sommes cloués au bungalow sans télé, sans chauffage, sans loisirs. C’est le repos, le calme et parfois l’ennui qu’il faut savoir apprécier. Bientôt nous retournerons à nos vies actives et stressantes mais pour l’instant il faut profiter de ne rien faire. Je me balade et je prends des photos. Les mimosas sont en fleurs, ils s’épanouissent bien ici. Je suis heureux de retrouver SYPHAX, il me parait avoir souffert des intempéries. J’y retrouve mon frère AMINE et nous partageons des moments de joies et de franches rigolades. Il travaille à ORAN sur un chantier d’adduction d’eau et revient le jeudi et vendredi, c’est à dire pour le week end arabe.

 PIPO, le chien, s’est perdu à ORAN. Il me manque. J’aimais bien nager avec lui. Il était mon équipier de toutes mes sorties en mer.

 Nous sommes allés faire une balade dans les montagnes de SIGA. Nous avons trouvé le calme, le grand air, de la lavande en fleurs, des tortues et  des restes des poteries romaines. Un  repas au restaurant  et une visite du port de BENI SAF ont complété cette virée.

 La campagne est verte, la terre est noire et tout y pousse facile. On va faire une soirée et fêter mon anniversaire mais pour l’instant tout le monde se repose et je pense à ma femme et mes enfants. Les nouvelles de la santé d’ALEXANDRE m’ont inquiété et j’attends les prochaines, fébrile. Tous ici ont une pensée complaisante pour ALEX.

 

Le 25 à 1heure du matin.

Je trouve encore la force d’écrire. Je ne sais pas comment. Il me faut vous raconter cette journée. Une journée pleine de joies et de franches rigolades. Une journée d’apaisement de savoir que la santé d’ALEXANDRE s’améliore. Une belle journée après le mauvais temps d’hier. Une journée passée en harmonie avec la nature. Nous avons chassé sur l’île du phare. Nous n’avons pas été déçus des fonds marins et de la récolte obtenue. C’est à peu près 20 kilos de poissons que nous avons ramenés.

 Dire qu’il suffit de s’immerger pour rentrer dans un autre monde. C’est un enchantement permanent. Quel privilège d’approcher de si près ces poissons et de les voir évoluer dans ces décors grandioses ! ZITOUNE est rentré dans une autre dimension en venant ici. Ce séjour va le marquer, il y a découvert le partage, la gentillesse, et la fraternité. Tout le monde en ALGERIE parle le français, nous ne sommes pas dépaysés. Les mœurs changent, on ferme les lycées français et il est question de supprimer le français sur les panneaux de signalisation. Je dois dormir le réveil est prévu pour 7 heures.

Nous sommes à ORAN chez AMINE et son épouse, ils nous ont offert l’hospitalité pour la nuit. Nous avons passé une journée agréable. Le poisson n’était pas là, nous l’avons cherché sur trois îles différentes. Les eaux étaient trop froides et la visibilité médiocre. Nous avons bien profité de ces derniers moments à SYPHAX et nous sommes rentrés à ORAN avec les amis d’AMINE. Un repas au restaurant et une brève soirée nous ont permis de mieux se connaître et d’échanger nos idées.

 

 La nuit fut réparatrice malgré les ronflements de ZITOUNE et le réveil à 5 heures au chant du muezzin appelant les fidèles à la prière.

Maintenant  la ville est réveillée et la circulation fait entendre sa voix. L’appartement est sympa et coïncidence il est situé à côté de l’hôtel où nous avons passé la première nuit. La boucle est bouclée et tout est rentré dans l’ordre.

 L’accueil en ALGERIE est super, tout le monde est chaleureux et même la gendarmerie est tranquille. La réalité est loin de l’image du terrorisme et des récents massacres. Pourtant dans l’esprit de certains, l’ALGERIE n’est pas un pays sûr. Je peux dire que la semaine que nous avons passé a été une semaine de totale liberté aussi bien en ville, qu’à la campagne. Nous nous sommes sentis en sécurité. Ici tous aspirent à la tranquillité et à la paix civile.

 Les villes se modernisent et, malgré les traditions, elles s’européanisent. Les investissements étrangers sont plus nombreux. L’ALGERIE est riche de son pétrole et de son agriculture. La terre est fertile et l’agriculture s’intègre bien au relief sans le détruire. La campagne est verdoyante, qui parle de sécheresse ? La modernisation s’accélère et bientôt l’ALGERIE rattrapera son retard. Les traditions demeureront et la religion pacifiera  les peuples. Le brassage des cultures et les échanges commerciaux stabiliseront les relations entre les peuples. Oui l’ALGERIE est en route vers son autonomie. Le débat sur l’aspect positif de la colonisation est obsolète. Le passé est le passé et les nostalgiques sont bien arrêtés sur leurs idées. Moi je vis dans le présent et je peux dire que je me sens bien en ALGERIE. J’y trouve des frères avec qui je partage tout.

 C’est le statut de la femme et de l’enfant qui est plus inquiétant. Je crois que d’autres libertés sont à gagner. Partout on voit des hommes entre eux discuter, prier ou lézarder. Qu’en est-il des femmes et des enfants ? A quand les droits pour tous et les privilèges pour chacun ? C’est vrai en ALGERIE, c’est l’homme que l’on voit, la femme est cachée et les enfants sont occupés.

 Si la fraternité est réelle et si la liberté est retrouvée l’égalité reste le prochain combat a gagner en ALGERIE.

La maisonnée se réveillle et s’active. Le séjour se termine et le retour à la civilisation moderne se précipite. Finis l’oisiveté et les moments de calme, les trépidations de la vie moderne m’ont déjà happé.

 AMINE a fait les choses en grand comme d’habitude. Il a délégué son épouse et un taxi pour la jounée. Nous avons fait une virée de 100 kilomètres sur la côte oranaise et une visite à SANTA CRUZ.Nous repartons chargés de cadeaux et de souvenirs.

Quel séjour…Que d’émotions… Nous avons mangé du poisson à s’en rendre malade ! Nous avons vu des décors à couper le souffle et des fonds marins magnifiques. Et que dire des relations entretenues durant cette semaine. Que de moments inoubliables !

C’est dans l’avion que je termine mes prises de notes. Une cigogne survole le tarmac, est - ce un signe ? Cygne, cigogne, pas mal le jeu de mots. L’avion est arrêté en bout de piste, les moteurs grondent, nous prenons de la vitesse, ça y est nous décollons ? Nous quittons le sol algérien, mon sol natal et je pense que je ne pourrai pas ne pas revenir. La mer est lisse et le ciel brumeux, nous rentrons chez nous.

                                                            HUBERT SAGLIOCCO