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La troisième génération du Grand Bleu
d'Algérie.
Les années de l'Algérie 1978/1994
La Lina
Histoires d'eaux:
Portus
Magnus En 1977,
le Manager de la C.O.T.E.S., c'est à dire moi-même, prêta le Technicien de
la Compagnie d' Etudes Sous-Marines, c'est à dire moi-même, à un bureau d'
Engeneering de Pasadena US, The Ralph Parsons Co, en charge du contrôle
des travaux de construction du nouveau port methanier d'Arzew El Jedid à
Bethioua, ex St Leu, le village natal de mon père, oû j'ai gardé plein de
souvenirs de nos chasses lorsque j'étais seulement son "suiveur", et quand
il me parlait souvent des vestiges romains trouvés par une archéologue du
coin et quand il me disait l'existence d'un port Romain, célèbre dans
l'Antiquité, Portus Magnus, c'est à dire le Grand Port, dont on n'avait
jamais retrouvé la trace. Je fus nommé Ingénieur Civil Senor, en charge
de la surveillance de la construction du Brise-lame et de la Jetée Est
ainsi que de la carrière d'enrochements de Kristel et du rapport de
contrôle des plongeurs lors de la pose de la carapace extérieure de
tétrapodes sur ces jetées. Ce fut relax, intéressant et bien payé. Les
Américains, à partir du moment oû tu montres ton efficacité, te foutent la
paix et j'aurais toujours, cette fois aussi, le regret d'être passé à côté
d'une riche carrière de vingt ans en Arabie Séoudite chez eux, si j'avais
maîtrisé la langue Anglaise! Hélas! Je me tue à dire à ma fille de
s'appliquer en Anglais, mais à cet âge là, cela ne pense qu'à jouer!
L' Entreprise, en charge de ces grands travaux, était un groupement de
grosses sociétés germano-néerlandaises, qui construisit ce port technique
et commercial en un temps record, car ils avaient ramené un matériel des
plus sophistiqué à l'époque, notamment un navire océanographe bourré
d'électronique et d'automatisme, commandé par un gros ordinateur central
et j'eus le loisir de participer à sa dernière campagne bathymétrique et
de me lier d'amitié avec le jeune ingénieur chargé de cette campagne.
J'eus ainsi l'occasion de bavarder avec lui, qui s'intéressait aux choses
de ce pays en général, et qui trouva en moi un informateur, connaisseur de
cette région de par mon enfance en ce lieu, suivant celle de mon père.
C'est ainsi que je fus amené à parler des ruines romaines de Bethioua et
du mystère entourant l'existence supposée de Portus Magnus dans les
environs. Alors cette information lui rappela qu'au début de la campagne
d'implantation du site du port au commencement des travaux, il avait
prospecté à l'Est de la future jetée Est et fait un relevé topographique
d'un lieu qui l'intrigua sans savoir pourquoi! Ce point particulier lui
était sorti de la mémoire jusqu'à notre conversation sur l'existence d'un
ancien port romain dans les parages. Il retrouva dans son ordinateur le
relevé en question et en le regardant de plus prêt, nous convînmes que ces
lignes topographiques étaient par trop régulières pour être naturelles, et
comme moi-même, j'étais un spécialiste de la bathymétrie pour avoir fait
des relevés respectivement au port d'Oran comme à celui d'Arzew avec
la Betelgeuse, à l'embouchure de Cheliff avec l'Asterix et aux
Habibas avec l' Arabella, nous sommes tombés d'accord pour admettre que
ces profils étaient sûrement les profils d'une jetée ou d'un quai. Il
décida de m'emmener sur ce lieu avec son navire et ses coordonnées
précises, je pris soin de prendre une bouteille aussi et un quart d'heure
plus tard, il me présenta le site sur son sondeur et j'eus l'immense
surprise de m'apercevoir, en plongeant, que je connaissais déjà ce lieu
pour y avoir chassé dessus avec mon père, un excellent coin à cigales
d'ailleurs, et le lieu même oû nous avions participé lui et moi pour
la première et dernière fois à un championnat d'Algérie de chasse
sous-marine en 1956! En effet, maintenant que j'étais averti, je me
rendais compte que tous ces blocs, à moitié ensablés et recouverts de
posidonies, étaient de formes parallélépipédiques et, ayant une direction
sud-nord puis ouest-est, l'ouvrage était bien celui d'un abri conçu par la
main de l'homme! Pour moi c'est bien Portus Magnus qui se trouve au large
de la côte actuelle et qu'ainsi personne n'a trouvé. A la suite de cette
découverte, les évènements s'accélérèrent. Ce fut la fin des travaux à
Bethioua, les Allemands rentrèrent chez eux et, moi-même, je partis
construire un Lycée à Dakar. Lorsque je revins un an plus tard, je parlai
de ma découverte aux Ponts et Chaussées mais personne ne me prit au
sérieux. De plus la zone industrielle s'étendait jusqu'à
Port-aux-Poules et il était interdit absolument de naviguer, pêcher et, à
fortiori, plonger dans ces parages. Depuis, je ne pense pas que quelqu'un
se soit intéressé à ce site et j'en suis amer! Je terminerai cet
épisode Bethioua/Parsons, en avouant que je ne revins pas bredouille de ma
quête de trésor, puisque c'est, en ces circonstances, que je fis
connaissance de celle, qui devint plus tard mon épouse, la petite
secrétaire de la Ralph Parsons Co!
Mes chasses aux
trésors J'étais revenu en Algérie aussi pour une raison secrète, ma
jeunesse avec mon père avait été déjà influencée par les légendes de
trésors fabuleux enfouis dans les entrailles de cette terre à invasions
successives et coutumes fantastiques et j'avais dans mon inconscient un
rêve obsessionnel de découverte de trésor. Cette obsession fut alimentée
aussi par mes lectures, mes voyages et la rencontre d'individus nombreux
et ratés comme moi, qui ne désespéraient jamais d'atteindre enfin le
Nirvana! A cela, ajoutez une pointe de Grand Bleu et de grosses pincées de
naïveté, et vous obtenez un cocktail excellent pour combattre le stress de
cette chienne de vie! A méditer!
L'épave du
Borysthéne Les fonds algériens sont quasiment indemnes de
prospection sous-marine au scaphandre, car cela fut et est interdit depuis
toujours du fait que les autorités maritimes ont systématiquement cru ces
légendes de trésors fabuleux, gisant en quantité, sur la zone immergée
nationale et qui, de ce fait, ont voulu préservé le soit disant patrimoine
par une interdiction absolue et quiconque, qui plongeait, était considéré
comme un voyou et sanctionné. Je ne dirais pas, ici, tous les emmerdements
subaquatiques que j'ai subis! Mais c'est surtout interdit de se faire
chopper en flagrant délit et cela est une autre paire de manches.
Néanmoins du temps de Chadli, lui même plongeur, on ferma les yeux quelque
peu, aussi j'ai pu faire quelques incursions en bouteille!
J'ai visité,
en compagnie de M.Kerdagh et Y.Ferroui, l'épave du Borysthène, gisant sur
la face nord de l'île Plane. Nous avons ramené, pour le compte de la Ligue
des Activités Subaquatiques, des hublots en bronze et des bouts d'étrave
en bois acajou et nous avons ausculté le magnifique arbre et son étambot
en acier inoxydable qui gît toujours au fond. Cette épave est un témoin
invisible du passé de la marine marchande de la fin du 19ème siècle et le
Borysthène fut un beau steamer à voile et à vapeur qui transportait
régulièrement des migrants pionniers vers le Nouveau Monde et vers les
colonies d'Afrique. Il se fracassa contre l'île par une nuit épouvantable
et sans visibilité de novembre de, je ne sais plus, quelle année. Ce fut
une terrible tragédie et il y eut de nombreuses noyades avec le Capitaine,
et les quelques rescapés durent restés plusieurs jours, réfugiés sur
l'île, mourant de faim, de soif et de froid dans l'attente des
secours.
Le trésor du Marquis de Vilallonga En l'année
1977, dans une énième tentative de rapatriement, j'étais en France qui ne
voulait toujours pas de moi. Une fois de plus, je n'en tirais aucun
intérêt, si ce n'est que de retrouver Paulo Rival, ami de toujours de
Pierrot Gonzalez et chasseur émérite, qui me donna le prétexte pour
repartir encore dans le pays de mes racines et de ma tête. Il était à la
retraite des cheminots à 45 ans (soyez fonctionnaire en France, tas de
fainéants et tant mieux pour lui, il a été plus malin que moi, c'est un
fait. Il dira qu'il aura travaillé pour cela, comme s'il fut le seul à
travailler! Tu parles d'un travail exténuant de cheminot, tout juste à
passer quelques nuits blanches largement récupérées et bien payées, mais
déjà cette mentalité d'ouvrier bourgeois à la française était bien ancrée
dans cette société de profiteurs!) Donc Paul m'apprit connaître
l'existence d'un trésor fabuleux quelque part sur la côte ouest de
l'Algérie et que, discrètement, il cherchait lors de fréquents séjours.
Etant sans doute fatigué de ses vaines recherches et ayant des problèmes
conjugaux, il m'avoua son secret et ne pas pouvoir s'y consacrer comme il
aurait souhaité. Il me proposa l'association et la mission de cerner, en
un premier temps, le lieu de la cachette avec certains éléments de ses
plans, avant de participer à la phase finale de la découverte avec le
dernier plan qui indiquait le cheminement final à accomplir et qu'il
gardait au secret, de peur que je le doublasse, n'est-ce pas! Il avait un
parchemin et deux plans: D'après ces dire, ces documents avaient été
confiés à sa mère au moment de la débâcle de 1962 par une vieille voisine
mourante du quartier de la Marine. Cette dame, sans famille, avait hébergé
pendant quelques années, dans les années quarante, un réfugié espagnol
républicain, désengagé de la légion étrangère par suite d'une maladie
incurable et qui lui révéla son secret avant de mourir. Il s'était
évadé des geôles de Franco dans des circonstances rocambolesques. En effet
avec un autre républicain, officier comme lui, il avait réussi à
neutraliser ses gardes lors d'un transfert, du côté de Grenade, et, pour
survivre, il cambriola le sanctuaire de la cathédrale de Cordoue, pour y
soustraire quelques objets de culte en or. Parmi le butin il y eut un
vieux dossier oû il était question de documents relatant la disgrâce du
Marquis de Villallonga à la Cour du Roi de Castille, au dix-septième
siècle, lequel fut envoyé en exil pour quelques années avec toute sa
famille dans les possessions royales en Afrique, c'est à dire à
Mers-El-Kébir, dans la forteresse du Cardinal Ximenez de Cisneros,
celle-là même qui abrita , un certain temps, le père de la langue
espagnol, Cervantes, n'est-ce pas? A l'époque, les banques
n'existaient pas et l'usage voulait que ces mis à l'écart de la politique
de la Cour partaient avec toute leur famille et toute leur fortune qui,
comme la Bourse n'existait pas encore, était faite de bijoux en or et de
pierres précieuses. A l'arrivée en exil, la seule alternative était de
planquer ces trésors en lieux sûrs et déserts, connus seulement par les
Maîtres de Maison, qui prenaient soin d'éliminer tous les témoins ayant
participé à l'expédition et confiaient les plans de situation de leurs
cachettes aux Gens d' Eglise de leur famille, pour le cas oû ils
disparaîtraient. Des fortunes colossales étaient planquées ainsi,
parait-il! Celle en question était estimée à 25 milliards d'anciens
francs. Ces deux soldats républicains s'enfuirent d'Espagne avec leur
magot encombrant à bord d'une Pastera et atterrirent quelque part sur la
côte oranaise et quelle meilleure cachette eurent-ils? si ce n'est celle,
dont ils avaient un plan si minutieusement détaillé! Ils la trouvèrent
facilement, plus exactement deux cachettes en deux lieux différents assez
éloignés l'un de l'autre, l'une en haut de la montagne près des
fortifications et l'autre juste au-dessus de la côte! Mais notre capitaine
républicain devenu légionnaire avait confié à la vieille dame que son ami
et complice était parti pour l'Amérique en 42, qu'il n'avait plus de ces
nouvelles et qu'elle était ainsi la seule personne à qui il pouvait
confier son secret. Bien que cette histoire me parut trop fantastique
pour être crédible, je repartis en "exil", avec la conviction et la
volonté de me consacrer à cette nouvelle aventure dans le plus grand
secret, surtout que cette "mission" pouvait être camouflée par mes sorties
de pêche et servir d'alibi à aller encore plus souvent à la pêche! Et
comme je repris à mon retour ma qualité d'expert sous-marin auprès de mes
anciens clients, j'avais la liberté de me créer les temps de loisirs
nécessaires à cette nouvelle quête. Le Zakia-Ainfranin reprit du
service et avec ces neuf mètres de long, il était idéal pour reconstituer
en temps réel les atterrissages discrets et déserts possibles du navire de
l'époque avec sa cargaison à cacher. Je reconstituai avec mon bateau les
seuls amers possibles à l'Ouest d'Oran et je découvris quatre sites
correspondant au plan, à la fois pour leur repérage par le navigateur
venant d'Espagne et pour leur atterrissage possible de nuit à l'abri du
mauvais temps : le premier, le plus plausible, n'était plus viable en 78,
hélas! c'était aux Bains de la Reine entre Mers-El-Kebir et Oran et il y a
en ce lieu, depuis les travaux de 1942 qui ont chamboulé toute la
topographie du coin, le grand port de Kébir! Il n'était donc pas possible
de retrouver la cachette de la côte à cet endroit. Pendant quelques mois
j'ai cherché aux alentours des fermes et des campements sans conviction.
De toute façon il me manquait le plan de l'approche finale à ce stade et
Paul ne voulut point me le confier car contrairement à moi il ne croyait
pas à la fiabilité de ce lieu. Selon lui, il devait être forcément plus
éloigné de l'agglomération. En partant du principe de l'atterrissage aux
Bains de la Reine, j'ai pensé à retrouver la seconde cachette en haut de
la montagne. Le cheminement m'amenait tout naturellement dans la zone
de la Calère, sur les flancs du Murdjadjo. Comme vous savez, l'Algérie a
une riche histoire faite de légendes et coutumes tenaces qui se
transmettent invariablement de génération en génération et les Anciens
adorent raconter ce qu'ils ont vu ou entendu dans leur jeunesse. Ce me fut
facile de me renseigner, mine de rien, d'autant qu'un de mes grands
copains de chasse habitait la Calère et ainsi j'appris qu'en 1944, des
Américains du débarquement étaient venus avec force matériel et plans
déterrer un trésor fabuleux dans le Fortin, vestige de l'occupation
espagnole! J'ai senti alors la patte du compagnon de fortune de notre ami
républicain et c'était donc foutu de ce côté-là et il ne restait plus
qu'une dernière chance avec la cachette du bord de mer, mais sans trop y
croire, car je restai d'autant plus persuadé que les Bains de la Reine
auraient pu être le bon coin que mêmes les Américains n'auraient pas pu
exploiter, vue l'existence déjà du port de Kébir. Mais Paulo m'incita à
investiguer les autres amers. Des trois autres possibilités, deux
atterrissages étaient invraisemblables, car trop éloignés de la zone
espagnole, donc trop peu sûrs en tant que cachette exposée aux regards
sempiternels des gardiens de moutons ainsi que d'une récupération
hypothétique rendue très hasardeuse du fait de la particularité d'état de
guerre permanente dans cette région. Il ne restait donc plus que
l'hypothèse de la Pointe Sautille. J'y ai stimulé un débarquement par mer,
de nuit, la mise en place d'une passerelle pour avoir les pieds au sec, la
recherche d'une grotte entre 0 et 50 mètres d'altitude, tout ceci fut
répertorié conformément aux instructions et laissé tel quel pour un
maximum de discrétion. Il fallait prendre le temps nécessaire pour garder
le maximum de sécurité à l'opération de recherche des cachettes possibles.
Je pris mon temps, quelques mois, pour organiser l'opération via la route,
le choix de la période et surtout la recherche d'un partenaire, car il
n'était pas possible de continuer tout seul, d'autant que Paulo se
dégonfla et ne me procura pas les renseignements finaux. Continuer à
chercher de nuit me paraissait extrêmement dangereux, de jour il y avait
trop de monde dans les parages tout au long de l'année, sauf pendant le
carême. Ainsi je choisis les périodes de carême. Pour le partenaire, je
n'avais personne de confiance, sauf un ami très cher, un autre Paulo, qui
succéda à ma petite fiancée que je ne pus exposer trop longtemps, surtout
qu'un soir, en escaladant la falaise, je découvris un lot de montres
toutes neuves, oh! trois montres seulement et qu'à partir de ce moment-là,
je perçus des mouvements de va et viens discrets de nuit, à partir d'une
barque pour aller vers des chemins montagneux. C'étaient des
contrebandiers qui débarquaient des marchandises à partir certainement
d'un cargo ancré dans la baie. Mes diverses recherches furent vaines et
par trop risquées et finalement je renonçai, étant peu convaincu de la
fiabilité de l'endroit, car j'avais toujours en tête que s'il y avait eu
un trésor ici, aucune raison n'aurait pu empêcher les Américains de rafler
aussi ce butin! Pour la curiosité, je decouvris, à cet endroit, une
plagette de galets insolite dont le seul accès devait se faire par mer et
en faisant une apnée par un trou dans la falaise, une excellente cachette
pour des gens au cours de l'histoire, à condition qu'ils eussent été des
adeptes du Grand Bleu!
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