APPUYEZ La troisième génération du Grand Bleu d'Algérie.
Les années coopérantes 1969/1978
Le Saint Pierre et la Betelgeuse





APPUYEZ

APPUYEZ
APPUYEZ
APPUYEZ
APPUYEZ
APPUYEZ
APPUYEZ


APPUYEZ
APPUYEZ
APPUYEZ
APPUYEZAPPUYEZ
APPUYEZAPPUYEZ
APPUYEZAPPUYEZ
APPUYEZAPPUYEZ
APPUYEZ
APPUYEZAPPUYEZ
APPUYEZAPPUYEZ
APPUYEZAPPUYEZ
APPUYEZ
APPUYEZ

APPUYEZ
APPUYEZ
APPUYEZ

APPUYEZ

APPUYEZ


La cigale

En ce dernier trimestre de 1968, à Marseille et au chômage, j'en eus assez de cette vie de chiens civilisés, du pointage bidon à l' ANPE et l' APEC , créés seulement pour justifier des emplois fictifs de fonctionnaires pistonnés, des queues interminables des parias de la Société pour encaisser l'aumone des mains potelées et laiteuses de prétentieux planqués! Je me dis alors que, puisque j'avais pu vivre dans les pays africains, je pourrais aussi bien m'adapter à un retour sur ma terre natale, bien qu'avec la propagande médiatique faite de mensonges à l'usage des naifs, je l'eus cru étrangère à jamais. La seule inconnue semblait être le travail, mais en avais-je seulement dans l'Hexagone! Je sautais alors sur l'occasion d'une offre de Conducteur de Travaux à la Socolon d'Alger, un an sous la baguette enchantée de Fernand Pouillon, l'architecte réalisant des complexes touristiques à la gloire du Président, tous des sites célèbres, tel que Club des Pins, Moretti, El Rhiad, Sidi Fredj, Zeralda et Tipasa.
Mais surtout j'avais le bonheur de pouvoir reprendre ma saga de pêches là, oû je l'avais laissée, un triste jour de 1964, reprise bien timide en fait, car la région d'Alger m'était inconnue, les terrains comme les collègues mais non pas l'atmosphère. Je mettais à profit les quelques temps de libre que me laissait mon activité professionnelle pour tâter du méro du côté de Cap Matifou, Ain Taya et Rocher Noir, ou plus loin du côté de Tipasa, Cherchell et Dellys, ou encore plus loin Tighzit et Bejaia. Je retrouvais, à Alger, Michel Ruis qui pêchait avec Hollicher, mon patron de la Socolon ou bien avec Lahoubi, l'Algérien le plus connu en ce domaine. Ce que je retiendrais de cette reprise de contact avec le paysage algérien, ce fut les retrouvailles des grands espaces oû faire 300 ou 400 km dans la journée en automobile, pour visiter un chantier ou effectuer une partie de chasse dans des criques sauvages, était un bonheur, rien à voir avec mon tourisme actuellement hexagonal à bord du camping-car qui m'épuise au bout de 50 km. N'ayant pas de bateau, je pratiquais la chasse à pied comme au temps de ma première jeunesse et les tableaux de chasse étaient donc, somme toute, modestes, hormis quelques beaux spécimens.
J'ai retenu essentiellement la découverte de deux belles amphores au large de Tipasa que je remis au directeur du site archéologique romain, c'est dire la richesse du patrimoine antique de la région encore inexploitée!

Mais l'appel d'Oran se fit entendre bientôt et je ne pus y résister au bout d'un an, bien que la vie professionnelle fut intéressante à Alger.
La politique ne m'ayant jamais vraiment intéressée, je ferais néanmoins la remarque suivante: mon séjour à Alger sera le début d'une évolution de mes convictions politiques acquises jusqu'alors. En effet, alors qu'à Oran en 1964, j'étais un jeune pied noir vivant le début d'indépendance de son pays sous la domination de l'ennemi de sa famille, supportable cependant, j'en conviendrais, je perçus mon retour à Alger, après mon apprentissage d'autres pays du Tiers Monde, comme la découverte d'un nouveau pays avec des us et coutumes différentes, sur la même terre oû j'avais vécu différemment. Ce fut la meilleure façon de faire le deuil de ma jeunesse perdue et de n'avoir jamais eu la nostalgie, toujours présente de mes amis d'enfance, que la politique de la chaise vide avait exilés à jamais! Le paysage, néanmoins, ne changera pas tant que la main de l'homme ne le détruira pas et, en Algérie, la nature n'est pas détruite, encore pour trois ou quatre générations, au-delà des agglomérats humains, véritables poubelles de misère. Profitons-en, tant qu'il en est encore temps! Je n'aimerais pas que la côte algérienne prenne le chemin des côtes italienne, française ou espagnole, surexploitées. Elle est encore dans sa magnificence ephémère en 2003.
Mon retour à Oran fut naturel, comme si je ne l'avais jamais quittée, la ville était restée immobile depuis 1964, elle le restera tant que le Socialisme vivra, un habitat laissé en l'état et s'étiolant inoxérablement faute d'entretien. Le Boumedienisme triomphant laissa son empreinte seulement dans la zône industrielle d'Arzew et le Complexe touristique des Andalouses dont je fus l'un des derniers conducteurs de travaux avec 800 hommes à la tâche ainsi qu'au Complexe thermal d'Hammam Bou Hadjar, oû je séjournais dans une très belle villa coloniale nationalisée. Mes patrons furent les frères Zucconi et mes collègues Guy Artigouha et Renou Alonso , autant dire que j'étais presqu'en famille et j'ai ainsi adoré mon retour dans ma ville natale avec un job intéressant mais contraignant pour ma passion de la mer si proche et si énivrante!
Pour relancer ma quête, je fis l'aquisition d'un glisseur acheté à Pierre Godet , le Saint-Pierre, ma base fut le garage à bateaux de Cap Falcon, Ain Franin étant restée un site de ruines pied-noires et ma chasse s'étendit de l'Ile Plane aux Iles Habibas. Au début, je fus la plupart du temps seul, ou bien avec Hélène, mon ex future ex, le temps de consommer définitivement les restes du divorce, ou bien Pierre Godet qui m'accompagnait, mais lui n'était que plongeur en bouteilles et formait avec Dédé Fédida et Marcel Souillah le triumvirat de drague tout venant de l'époque.
Ce fut en ce temps là que, ayant retrouvé la forme des vingt ans et ayant l'expérience de l'Africain des trente ans, je fis des chasses au gros que peu de personnes savaient pratiquer. En effet je fus à peu près le seul à tirer et ramener des gros requins ainsi que des liches magnifiques et je passais pour un maboule à Cap Falcon. Il est vrai que ce fut la période la plus poissonneuse que je connus dans ces parages quasi sauvages que ce soit au Seco Blanco ou au Seco Negro de l'Ïle Plane ou bien au "Balcete" à l'Est comme aux récifs de l'Ouest des Habibas et, dans une moindre mesure et plus près, le sec du Campanal devant Ain El Turck ou les tombants des ilots du Chameau et aux Rats et des caps Gros, Lindles, Negre, Blanc sans omettre les Fourmies. Ils étaient fantastiques les ballets de sardines chassées de toutes parts, en dessous de la surface par les dauphins, les requins, les thons, les liches, les bonites, les brochets, au fond par les dentis, les méros, les badèches et les veaux marins, et dans les airs les mouettes, les goélands, les cormorants, les fous de bassan. C'était la curée et l'homme vint déranger...Il n'y avait encore que très peu de prédateurs humains à embarcations à moteur hors bord rapides, avec des treuils et moulinets, des lignes en nylon, des leurres tueurs, des filets imputrescibles, des nasses, des explosifs ou des harpons, sans omettre les radars, les sondeurs, les sonars, les GPS, les projecteurs, les bulletins meteo et parfois des bouteilles d'air comprimé et je ne parle pas des chalutiers et autres lamparos.
Ainsi, je vis par mes yeux la fin programmée de cette richesse de vie en seulement vingt ans.

Afin de pouvoir maîtriser mes loisirs, j'entrepris alors de m'installer à mon compte, en créant une petite entreprise de Travaux Maritimes, avec les conseils éclairés de mon ami André Féral, alors négociant en vins. Je fus hébergé naturellement chez Tonton Alfred Ruis au 40 Bd Emir Abdelkader, et mes compagnons de chasse furent à nouveau Paul et Michel Ruis, auxquels se joignit Jean Marc Avérous, les deux Pierre s'étant rapatriés avec leurs épouses et enfants, because le travail peu rassurant pour l'avenir des familles. Ce fut l'équipe de base de cette longue saga de ma génération, mais j'eus de nombreux compagnons et deux compagnes de pêche à cette époque, parmi la troisième génération constituée de jeunes de la diaspora pied-noir, de jeunes enseignants européens en coopération et déjà la relève de jeunes Algériens, accédant de plus en plus nombreux à la quête du Grand Bleu qui deviendra le symbole de fraternité ici entre les gens de la côte de tous bords. Je citerai donc mes compagnons de cette nouvelle génération: Alex au nom russe imprononçable et aux tics violents,un artiste pianiste, Jean-Marc Luciani, le Corse, Norbert Dolon, le fils du Capitaine de l'Espadon, Guy Bonifacio, Jean Lecaroz, le riche aventurier, pirate des temps modernes, Marc Bèserie et Françoise, les Wallons navigateurs, Néral, futur Consul de Norvège, Paul Rodriguez, Kader Benameur, Nourredine Salah, les Seigneurs des Corailleurs, Les enseignants Francis Lasserre, victime des Habibas, Jean François Sini et Christiane, le couple plongeur (j'ai participé au baptème de plongée en bouteille de leur toute petite fille, Julia, alors agée de trois ans dans une crique d' Ain Franin), Raymond Col de Lyon aux mains magiques, faiseur de voiliers transocéaniques, Larbi Ramoun et les 3 S, Christine, la magnifique scaphandrière, Djamel, mon ami mort à l'Ilot d'Arzew, Alain Beaulieu, un sacré chasseur,(une journée-record de chasse avec lui: trois méros de 21, 23 et 26kg au Fauteuil entre Madagh et Bouzadjar), Paul Boeuf,le spécialiste du denti, mort accidentellement à Perpignan, Daniel Belasco, plutôt de ma génération, "Mucho CRICRI, poco CRACRA", Charles Dragutin, mon petit cousin, Marc et Alain Pérez, les fils de mon ami Henri, Franck Rodriguez, Jeannet et Alain Muller, Eric Jariel.Puis ce fut la déferlante algérienne avec Méhadji le Président, Mohamed Kerdagh le génial Grand Bleu mais hélas imprudent à jamais, Ferhat Ghomari le Lieutenant, Lambri le célèbre conteur des Frères de la Côte de Cueva del Agua, Yahia Ferroui, Djillalli CSASO, Sid Ahmed Bensmaine, Habib Bengonaye, le Phénicien Larbi Bouterfas et les fameux Karim Adéida de Sassel, Djelloul le scaphandrier du Port et au fusil à tirer dans les coins, Driss toujours le meilleur à Oran, Abderrahmane disparu en mer mystérieusement, Karim Dida, Kouider Benaboura, Goudjil, Habib dit Salpa, tous champions d'Algérie à leur tour, sans oublier notre petite sirène Nacera, oh combien tchacheuse, et cela a empiré avec l'âge! et, comme seul mauvais souvenir celui que j'ai nommé Ras Zebi.
J'eus le privilège d'être avec quelques autres, pour cette nouvelle génération, le témoin et le relais de toute cette symbolique, entourant la fameuse épopée sous-marine des hommes, révélée au public par le film du MONDE DU SILENCE (il faut rendre à COUSTEAU ce qui appartient à COUSTEAU) et sacralisée par le film du GRAND BLEU de BESSON, tout comme l'ODYSSEE et l'ILIADE d'HOMERE et VINGT MILLE LIEUES SOUS LES MERS de JULES VERNE avaient été les bibles de mon adolescence. Je devins pour cette génération, au fil des années à ORAN l'Ancien que l'on respecta, protégea et écouta et ce statut informel fut vraiment l'accomplissement de ma destinée. J' en ai chaud au coeur quand j'y pense encore! C'est mon Panthéon!

Histoires d'eaux:
Ma pêche au gros,
Ile Plane, le 28 Juin 1971, 6 heures du mat, au Garage à Bateaux, un lourd brouillard de silence dans la baie, Mimoun descend le ST Pierre sur une calmasse de rêve, j'embarque et navigue d'abord lentement cap sur l'Aiguille pour me dégager des terres à peine visibles, puis cap, plein gaz, sur l'ile Plane. Je veux être à palme d'oeuvre tout juste au lever du soleil. Sous un ciel de coton, la mer est lisse et endormie à mon arrivée. Je constate que le courant ne s'est pas levé et j'ai le temps d'ancrer à l'Ouest, entre les cailloux,(pas question de faire tourner le moteur, un silence absolu est nécessaire) et de m'équiper avec la grosse artillerie, arbalette de 1.1 à double sandows et moulinet plus la bouée. Un couple de cormorants sont là en face sur un rocher, scrutant l'horizon, c'est un bon signe! Je glisse dans l'eau et me dirige doucement vers le large du côté Ouest, les premiers rayons s'élèvent à l'horizon et un essaim innombrable de goélands surgit, on ne sait d'oû, et pourfend la surface juste à une cinquantaine de mêtres devant moi, un nuage d'anchois affolés se réfugie alors sous moi entre la surface et le fond à vingt mètres plus bas, et c'est aussitôt l'attaque de toutes parts des marsouins, des thons énormes et un peu plus bas le banc des brochets et des liches, seul gibier à ma portée. Je me porte très silencieux à l'extrémité du tombant oû je descends comme une feuille morte sur mon poste d'affût habituel sur un plateau à 15 mètres, oû les liches sont tranquilles et broutent à vingt mètres de moi. Je ne fais pas cas d'elles, évitant de les regarder et m'intéresse plutôt à un gros méro m'observant un peu plus bas, mais c'est une tactique destinée à tromper les liches, le méro pouvant attendre devant son logis. En effet la plus grosse, alors, se lève et se dirige sans crainte sur mon côté gauche, suivie un peu plus loin par toute sa famille. Je la lorgne du coin de l'oeil et attends qu'elle soit à deux mètres pour retourner ma pointe vers elle et, la laissant s'écarter devant ma réaction, je lui envoie mon tir en plein dans la ligne jaune à l'arrière de l'ouie. La flêche l'a paralysée sans la traverser. Je fonce alors vers elle, la saisie à bras le corps avec une main dans l'ouie et l'autre lui pinçant les yeux, je la remonte précipitamment vers la surface et la bouée. Elle est magnifique, mais sa famille a disparu, par contre, le gros méro est resté en bas, impertubable et toujours curieux de mes agissements et m'attend, semblant me narguer avec ses nageoires ondulantes et ses yeux de pachiderme tranquille. Je décide une descente à la coulée droit sur lui et au palmage cessant dès les dix mètres atteints. Méfiant, il bat en lente retraite pour rejoindre son antre, mais je continue, pariant sur sa curiosité imprudente. En effet, je me positionne juste au-dessus de son rocher, sans qu'il puisse me voir. Il me sent, je le sens, et se demande certainement oû je suis passé. Alors, je vois sortir son museau juste en dessous de ma pointe, je ne bouge pas, il se tourne légèrement sur le côté, en levant un oeil vers moi, ce lui est fatal. Il reçoit la flêche juste derrière l'oeil et s'immobilise, c'est alors facile de l'extraire et le saisir par les yeux, pour le remonter. Intrigué par mon manège d'accrochage du poisson, le troupeau est revenu, je réarme et je fonce, par un canard vertical, carrémment sur elles. Elles restent sans réaction, le temps que je decroche ma flêche sur la deuxième liche, plus petite mais très batailleuse, car je ne l'ai pas tuée sur le coup bien que traversée. Elle a de la force et m'entraine, je suis obligé de lacher du fil pour me permettre de respirer. Calmement je la travaille de la surface, tout en me maintenant avec la bouée. J'ai laché vingt mètres, mais je l'empêche de se frotter aux roches pour se défaire du harpon, je la fatigue, enfin je la hale par paire de mètres, de temps à autre elle repart, puis c'est fini, elle est épuisée et je vais la chercher à une dizaine de mètres pour la saisir.Je ne suis pas encore revenu à la surface quand j'entend un vacarme énorme, une sorte de roulement de tambour, je redresse la tête et j'aperçois, majestueux et fonçant sur moi, un Yellow fish, un thon à épine dorsale jaune, magnifique, énorme, il doit faire 200kg, et brusquement il s'en repart. Mais il n'est pas question d'envisager de tirer une telle bête avec mon modeste attirail, il n'y a qu'une ligne de 400 mètres sur une embarcation légère pour pouvoir en venir à bout et au bout de combien d'heures de travail!!! Confert "le Vieil homme et la Mer" de HEMINGWAY. Je n'ai pas fini de digérer cette émotion, que, soudain, apparait une triplette de gros requins gris qui se mettent à m'entourer calmement.
Depuis le Golfe de Guinée, je n'avais plus été à pareil fête, on pourrait croire que je bluffe, mais non je ne crains pas les requins. Car, dans ma chienne de vie, j'en avais cotoyé déjà des centaines et tiré quelques dizaines. C'est pourquoi j'en veux à certains, et non pas des moindres, qui les font passer pour des bêtes horribles et sanguinaires. N'est pas requin, celui qu'on pense! Epèces d'enfants de pub, va! voir la Compagnie des "Requins Associés" ou les "Dents de la Mer". Mais, pour l'audimat et le fric , il faut du sang!
C'est tellement rare, ici, en Méditerranée de chasser du requin qu'il fallait que j'en tire un, juste un seul. Je crochette mon moulinet à la bouée pour me donner le moyen de me battre à force égale. Ils sont devant moi et longent le tombant vers quelques dix mètres. Je les suis, ils ralentissent. je sonde alors sur le dernier, qui semble se retourner vers moi. 5,4,3,2,1.5 mètres, je tire sur sa branchie droite, la flèche s'accroche fermement, il faut l'empècher de démarrer. En effet il semble sonné au début, juste pour me donner le temps de remonter à la bouée tout en maintenant le fil tendu. C'est alors qu'il se réveille et démarre puissamment droit devant lui. Je suis cramponné à la bouée, je fais de l'aquaplane. Il cherche à sonder, je tire la bouée vers le haut à coups de palmes puissants. Il ne peut m'enfoncer guère plus de 1 mètre sous la surface et je ne lâche pas. A ce jeu, il renonce, je refais surface mais il repart à nouveau, et renonce et ainsi de suite jusqu'à épuisement. Le combat a duré une demi heure, et seule, son inertie me peine à revenir au bateau avec la bouée, les trente mètres de bout et le poisson. Je monte à bord et, avec le crochet, je lui saisis la queue pour définitivement le noyer et le ligoter sur l'arrière, tête en bas. la chasse est terminée. Le St Pierre a son compte, car il y a, avec ces quatre pièces 290 kg de charge plus bibi qui fait quelques 90 kg et l'attirail.
La partie de pêche n'avait duré que deux heures, plus une heure pour atteindre le garage vers onze heures. Mais le plus dur fut quand il m'a fallu monter à pied, ou plutôt à brouette, cette pêche, en haut, vers ma 403 camionnette! Je n'avais pas, cette fois-là, l'âne des Corailleurs!

Le veau marin de l'Ile Plane,
En Algérie, j'ai eu une relation particulière avec les veaux marins. Depuis le bébé phoque de la deuxième descente du temps de mon père et la famille nombreuse de Cap Figalo, turbulente au possible, dans les années 50, je rencontrais des solitaires pratiquement à chaque sortie sur les Caps que ce soit à l'Ilôt d'Arzew, le Cap Carbon, le Cap Ferrat, la Pointe de l'Aiguille, le Cap Roux, les Iles Habibas, Le Cap Blanc ou la famille de Madagh et même, vrai de vrai,dans le port d'Oran, que je dérangais lorsque j'avais quelques travaux à faire au niveau du môle de l'horloge oû il avait un refuge au sus et à la barbe des dockers et qui se permettait de venir discraitement se sècher au soleil du petit matin sur la panne de Phénicia, notre club nautique. Je croyais alors que ce mammifère marin était inoffensif bien qu'emmerdant, lorsque nous avions du poisson à la ceinture. Il arrivait de se faire piquer des pièces à la bouée ou même au bout de la flêche, comme c'était arrivé à mon père au Cap Roux. Mais le phoque moine de l'Ile Plane allait à cette époque me prouvait le contraire et désormais il deviendra avec la vive, petite vipère des fonds sableux, la bête à éviter, la seule que j'eus crains dans ma longue carrière sub.A plusieurs reprises, je l'ai échappé belle avec les araignées, mais quand on voit son propre père ou un grand ami quand Pierre Avérous souffrir "le martyr" à cause de ces sales bêtes on en reste traumatisé!
En l'année 1972, je fis l'aquisition de la Bételgeuse, un magnifique palangrier de 8 mètres, construit à l'Ecole de Pêche de Béni-Saf, dont le directeur était un certain Charly Dragutin, pour le compte de Midjaki, un pêcheur légendaire du cru, et transformé, mijoté par Jean Gomez en un beau fifty, un belle unité avec lequel il fit, avec les frères Jariel, de grandes épopées de chasse habibabesques. Mais notre équipe n'était pas faite non plus de manchots et nous fîmes avantageusement honneur à ce bateau célèbre entre tous! Ainsi un parmi tant de safaris que firent JM Averous, Michel, Paul Ruis et moi même, ce fut cette dramatique sortie sur l 'Ile Plane un jour de mai 1972.
Ayant fait le tour de l'île à la nage et me retrouvant seul, les copains ayant déjà rejoint le bateau, je repérais un méro dans l'abri de l'île et je voulus l'épingler à ma ceinture de chasse déjà pleine. Pour pouvoir le travailler au trou, je dus déposer mon accroche-poisson sur un rocher proche. Ce n'était pas profond, et je fis ma première apnée devant l'entrée de l'abri de mon méro, torche en main. Je le distinguai à peine et je dûs remonter, mais au moment oû je me dégageai de l'entrée, je sentis un choc violent sur ma cuisse gauche. Je vis sur la combinaison néoprène une déchirure conséquente et du sang jaillir du quadriceps, se diluant dans l'eau, sans cependant ressentir de douleur. Je remontai, mais soudain, proche de la surface, une masse énorme se jeta à mon cou, j'eus le reflexe chanceux de pivoter avec mon coude en appui sur la bête et éviter l'attaque. En surface je pus enfin me rendre compte à travers mon masque de ce qui se passait. A quelques mètres de là, en contre bas, le veau marin, surpris s'éloigna un peu, mais je tremblai alors de tous mes membres lorsque je le vis amorcer un retour vers moi et lancer une nouvel assaut. Face au danger, je repris aussitôt mes esprits et armé de mon arbalette, heureusement, je fis face. Il arriva sous moi me fixant de ces yeux glauques, que je n'oublierai jamais. J'attendis qu'il fusse à 1 mètre de ma pointe pour lui décocher la flèche en pleine poitrine. Il stoppa net et je n'oublierai jamais non plus la gueule humainement choquée qu'il fit en entrouvant ses machoires. Il brisa le filin en s'enfuyant vers le fond du large. Je pissais le sang et il y avait urgence à rejoindre le bateau, ancré à quelques centaines de mètres de là. Mes camarades s'aperçurent que j'avais eu un problème car ils me dirent en arrivant qu'ils avaient vu quelque chose à quelques trois cent mètres faire des bonds au dessus de la surface, en poussant des cris stridents, avant de disparaitre sous la surface. Ils m'aidèrent à me déshabiller, me firent un garrot et fermèrent la plaie avec un pansement. La blessure bien qu'impressionnante, une déchirure de 8 cm n'était pas profonde et aucune artère n'avait été atteinte, une grosse morsure de chien en somme! J'ai toujours gardé en mémoire cette incident et surtout ces yeux sous-marins et, si ce n'est que j'excuse mon geste par l'instinct de survie que je m'étais forgé au cours de ma vie sub, j'en ai gardé un fond de remords d'avoir assassiné mon frère sans toutefois l'avoir prémédité et j'en voudrais désormais à tous les prédateurs des mammifères marins. Un mois plus tard un cadavre de veau marin jonchait sur la plage des Corallès comme pour montrer aux Terriens la destruction de la mer vivante par la colonisation des hommes. Cet incident fit le tour de la Terre à cette époque, je ne sais comment et un organisme canadien me demanda de faire un rapport sur la population des phoques moines en Algérie. Ce que je sais maintenant, en 2003, c'est qu'il n'y a plus un seul phoque vivant sur la côte Ouest d'Oranie, mais sa disparition a pour cause principale la présence des filets tueurs sur tous les sites côtiers. Je sais de quoi je parle, car depuis l'existence de ces filets plastiques, j'ai vu à plusieurs reprises aux Habibas comme devant certains caps côtiers des cadavres de mammifères dans les filets perdus au fond par l'inconstance des hommes!
Pour l'anecdote du veau marin, d'aucun s'était demandé pourquoi il s'était attaqué à l'homme, contrairement à ce que l'on croyait jusque là, et bientôt deux versions circulèrent dans le milieu, l'une est que ce fut le combat entre deux phoques moines et bien sûr solitaires, pour la conquête du territoire et l'autre, un peu blessante pour ma pomme, ce fut que le veau marin en mal de copulation me prit pour une femelle et alors ce fut plutôt de l'amour vache, ouaf! ouaf! Il vaut mieux en rire qu'en pleurer! On guerrit ainsi d'un traumatisme.

Les Iles Habibas.
Elles ont eu un pouvoir d'attraction extraordinaire. Temps permettant, les séjours week-end furent fréquents. Nous partions le plus souvent en convoi à deux ou trois bateaux et nous avions aménagé deux ou trois cabanes, vestiges que nous partagions le plus souvent avec les pêcheurs professionnels de palangres et de nasses. Parfois, les jours fériés, nous y bivouaquions deux, voire trois ou quatre semaines, à trois ou quatre personnes avec une organisation impeccable de survie. Pierre Godet, le plus fan, en avait été l'organisateur et nous recevions d'autres qui venaient nous rendre visite et rester un ou deux jours, attirés par notre vie de Robinson. Le noyau principal, outre Pierre et moi-même, comprenait aussi Said, notre gosse bon à tout faire mais grand tueur de "cahouettes" devant l'éternel, ces oiseaux étranges qui ne sortaient que la nuit en poussant leurs cris bizarres et épouvantables pour ceux qui les entendaient pour la première fois : "caahouett, caahouett..."(traduction arabe de "fous le camp, fous le camp".
Ces oiseaux de légende ne sortaient que certaines nuits sans lune et étoilées et chacun allait de sa théorie pour décrire leur aspect, certains disaient que ces animaux étaient tout noirs et immenses, mangeurs de rats et de lapins, seuls mammifères vivant sur l'île. Mais un jour, Said, malin comme un ouistiti avec un cailloux, en déquilla un du haut du rocher surplombant le quai et ce ne fut en fait qu'une vulgaire mais délicate mouette toute blanche. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences. Les premiers colocataires furent André Fédida et sa promise, Jean-Pierre Luglia et ses filles Marie-Hélène et Valentine, Michele et Martine Regis ou bien parfois nous allions chercher nos petites sauvageonnes comme Nebia, Miss Citrons, la cerise sur le gateau pour nous autres, mâles en rut, sous le soleil de minuit de "Leila"
Nous allions pratiquement pendant toutes les saisons, lorsque l'Anticyclone des Açores, notre maître-météo, s'installait pour plusieurs jours dans la région.
Aujourd'hui, nous sommes en début de fevrier qui est la période de la ponte des mouettes, là-bas. Elles avaient, sur les îles, leur seul ilot propice à cette ponte. Alors elles étaient des milliers à rester sur place pour une dizaine de jours et à s'activer pour faire des oeufs dans des nids, il y en avait des centaines et nous allions en cueillir quelques dizaines pour les manger frais au début, les emporter à la côte pour ceux qui y retournaient et on en cuisait beaucoup pour les conserver en glace et en manger pendant une quinzaine de jours. Ils composaient le menu du petit déjeuner à six heures du matin avec un bon café avant la pêche et il n'y avait pas besoin de sel! . Mais après ces dix jours, il ne fallait plus s'approcher de l'îlot aux nids au moment oû les femelles couvaient et les mâles surveillaient leur progéniture. Si vous aviez l'imprudence de gravir la colline de l'île à ce moment-là, vous risquiez d'être attaqués et, croyez-moi, cela pouvait être dangereux, car elles y sont véritablement furieuses et se projettent sur vous en effectuant des rase-mottes et des piquets vociférants. J'en ai fait, en effet, l'amère expérience un jour, heureusement la combinaison néoprène m'avait épargné des griffures et... attention aux yeux, c'est ce qu'elles visent!
Les îles avaient leur sommet culminant à 150 mètres, oû nichait le phare et ses dépendances, véritable château-fort dominant la baie de la Morte à l'Est, le quai et les cabanons à l'Ouest. On y parvenait par un chemin escarpé en terre dans les années 70 et à l'aide de l'âne que l'on sifflait pour qu'il vienne chercher les marchandises, débarquées du navire des Phares et Balises qui, chaque quinze jours, venait approvisionner l'équipe des deux employés de service au phare et tous les deux mois assurer la relève de l'équipe. Par la suite, comme on mangeait les ânes en Algérie, il fut remplacé par un triporteur à moteur sur une piste goudronnée.
Au nord se trouvaient les restes d'un ancien cimetière américain qui fut l'objet au cours des âges de fouilles importantes à la recherche de trésors qu'alimentaient des légendes fantastiques pleines de "Djounouns", racontées, parait-il, par des marabouts célèbres du nord au sud de l'Algérie et que la rumeur colportait régulièrement et sournoisement au point d'en être imprégnée par tout un chacun. J'avoue avoir été aussi contaminé, comme on le verra par la suite, mais je ne regrette rien car si on ne participe pas à cette étrange atmosphère de contes et de légendes qui est présente dans tous les cercles de la Société Algérienne, essentiellement chez les pauvres, on ne comprendra jamais l'âme de cette nation et les riches de là-bas ne pourront jamais me contredire, parce que, cette âme, ils l'ont irrémédiablement perdue par la jouissance de biens matériels que leur ont apportée la civilisation occidentale jusqu'à les rendre insensibles à cette spiritualité.
Je viens d'apprendre que le gouvernement a décrèté les Iles Habibas, réserve nationale et cela est enfin une bonne action, j'en tire une grande satisfaction d'avoir participé avec l' Association PHENICIA de mon ami Larbi Bouterfas à cet aboutissement. Il faut voir maintenant comment ce décret sera respecté et observé par tous et ceci est une autre histoire!