Les années 1965/1969, Marseille Suite...4.

Je passais quelques jours à Rotterdam, à inspecter la coque de l'Orient Explorer en réparation dans les eaux glauques du plus grand port du monde. Puis je rentrais à Marseille pour une période de congés, avant mon départ en Afrique pour une année.
Je mettais à profit ces temps de congés à Marseille avant, pendant et après ma période laborieuse en Angleterre, pour m'adonner au plaisir de la chasse, entrecoupée d'intermèdes sentimentaux auprès de mes copines transfuges d'Algérie ou de dragues provençales à bord de ma Triumph Herald en compagnie d'un Paul Renoux, déchaîné, entre Cassis et Saint Tropez.
Mais les safaris en Espagne avaient beaucoup plus d'importance. Je retrouvais Pierre Gonzalez, Georges Lebissonet, Georges Alonso et un grand nouveau, leur élève, Jean Baptiste Esclapez dit Titou, Marseillais, né à Oran, futur Champion du Monde en 1975. J'avais racheté le petit Zodiac de Tony Salvatori et en convoi, nous descendions sur la côte espagnole de Rosas jusqu'au Cabo de Gata. Nous pêchions aussi autour de Marseille, Cassis, La Ciotat, Toulon, Les Embiez, Bandol, Saint Tropez et Cavalaire, ou sur la côte languedocienne et catalane.
Je fus aussi embrigadé dans des clubs, comme l'ASPTT de Marseille ou le Touring Club de Montpellier, en vue de participer à des concours de pêche régionaux. J'aurai pu briller comme mes amis, mais mes absences professionnelles m’empêchaient de m'entraîner et de participer aux différentes épreuves. Je fis cependant deux Coupes d'Hiver à Marseille et Cassis, un Championnat de Provence aux Embiez, un Championnat du Languedoc-Roussillon à Pierrefitte, une qualification pour le Championnat de France à Biarritz, une qualification pour un Championnat d'Europe en Mer Noire, sans la possibilité d'y participer. Mes copains Georges et Pierre remportèrent cette épreuve.
Une grande rivalité existait entre les Marseillais qui voulaient garder leur suprématie régionale, nationale et mondiale avec leurs champions du monde Tony Salvatori, Marseillais, Corse, né à Oran, et Robert Stromboni ou leurs internationaux comme Petrignani, Habert ou Michel et les nouveaux Montpelliérains, transfuges d'Algérie comme Hugues Dessault, Marc Valentin, les champions du monde.
Etonnant, je passais de l'ASPTT de Marseille au Touring Club de Montpellier, sans jamais avoir élu domicile dans cette ville. Car, pour faire contrepoids au plus fort effectif de Marseille, Montpellier s'était attaché à récupérer des Marseillais transfuges d'Algérie et ainsi Georges Lebissonet, Pierre Gonzalez, Paul Pasquet et moi, résidant à Marseille, prîmes les couleurs de Montpellier, aux côtés de nos illustres Hugues et Marc.

Résultats de Pierrefitte par équipes:
Ier: Valentin-Dessault TCM
2è: Lebissonet-Gonzalez TCM
3è: Pasquet-Fernandez TCM

La chasse au méro n'était pas encore interdite en France, mais mon palmarès en méros français tient dans le creux de la main. En effet je fis le plus beau de 12kg au Planier à Marseille, un de 9kg à la Madrague de Saint Tropez, deux méros de 8 et 6 kg au Championnat de Pierrefitte qui me valurent de mener la première journée, un méro de 4 kg à la Coupe de Noël de Cassis. Quelques petits méros de çi, de là. En France le roi des poissons est le loup et ce n'était pas mon fort. Titou était extraordinaire dans cette pêche. Mais il y avait les daurades et surtout les beaux sars des Aresquiers et de Carnon, sur cette côte encore sauvage que je ne reconnais plus aujourd’hui, noyée, qu'elle est, par les masses de béton, vous dîtes "tourisme"?









MimiHutin, ses enfants Patrick et Valérie, Monique Garcia
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Histoires d'eaux

Le don à la population de Portman :
Un long week end, Georges Lebissonet, Pierre Gonzalez, Georges Alonso et moi partîmes pour un lointain safari dans la région de Carthagène avec le break de Georges N°1, le Zodiac de Pierre, la torpédo de Georges N°2, mon zodiac et tout l'attirail de campement et de chasse, sans oublier une énorme glacière. Nous arrivâmes à Portman dans la nuit, non sans quelque péripétie routière qui avait failli tourner mal. En effet Georges N°2 était un fou du volant, (il en devait perdre malheureusement la vie quelques années plus tard) et pendant la première moitié du parcours, il ne me passa pas une olive et lorsque vint mon tour de prendre le relais, après 2 crevaisons, émoustillé par les fanfaronnades de mon binôme, qui voulait que l'on distançât nos compagnons, je fonçai dans la nuit pour atterrir après un virage insolite, tel qu'il en existait sur les routes d'Espagne à cette époque, après un vol plané, au beau milieu d'un "oued seco" et heureusement sans dommage et nos braves compagnons purent nous hâler à nouveau sur le droit chemin.
Portman était une petite ville ouvrière, près de mines de plomb, avec une grande misère. Le lendemain, nous nous mîmes à l'eau avec la consigne de prospecter seulement ces lieux inconnus, afin de mieux préparer la pêche professionnelle du lendemain, porque le poisson n'aurait pas pu se conserver frais jusqu'au lundi. Mais nos deux jeunes fous ne purent résister à la tentation de tirer et tirer du poisson qui foisonnait en ces lieux et nous débarquâmes sur la plage de galets l'après midi, avec plus de 100kg de poissons. Une foule immense nous entoura, jeunes gens hagards et admiratifs. Pour nous avoir épargner et permettre de continuer notre saga, Saint Christophe nous conseilla fort mal de distribuer la manne aux pauvres bougres! Le lundi matin, parut dans le journal local, à la Une :
"Cuatro pescadores valientes franceses submarinos, nacidos en Oran, pero entre quien tres del español de origen de nuestra región, eran los benefactores de nuestra población por ofreciéndosese generosamente 80 kilogramo de pescados, Que el Dios y el toro los protegen!
C'en fut ainsi, mais l'histoire ne vous dit pas que le dimanche la mer se leva, empêchant la mise à l'eau de nos zodiacs et que nous rejoinmes Marseille le lundi, "fanny mais content et pas content", la glacière et les poches vides, avec les railleries des chefs du Saint George et de Chez Michel, qui attendaient notre produit pour améliorer, une fois n'est pas coutume, l'ordinaire de leurs menus.

Les méros de l' Estartit :
Georges N°1 et Pierre étaient les Champions d'Europe et Georges N° 2 et moi, les jeunes, n'avaient de cesse de vouloir battre nos compagnons à chaque partie de chasse et c'est ce que nous faisions régulièrement! sans que cela les blessât, car nous étions rentables. C'est ainsi que je me souviens de notre fantastique pêche aux Iles Mèdes en face de l'Estartit. Les Champions se positionnèrent au Sud de la deuxième île, sur des tombants réputés pour leurs méros, oui, mais très chassés par toute la diaspora sub de la Méditerranée. Nous, les bleus, nous nous jetâmes, n'importe oû, au Nord de la première île, dans un champ de posidonies. Mais au milieu des algues, nous trouvâmes des pierres plates poissonneuses, et je tirais d'emblée facilement deux meros de 13 et 8 kg, puis ensuite je n'arrêtais pas de remplir ma bouée de daurades, sars, loups et corbines et d'autres méros plus modestes, Georges N°2 ne fut pas en reste, il fit aussi une très belle ceinture et nos champions, à leur retour pour nous repêcher, furent très surpris de notre chasse. Ils avaient fait une cueillette honnête sans plus.
Nous nous interrogeâmes sur ce phénomène: comment se faisait-il que le poisson avait déserté leur habitat habituel pour se retrouver dans une zone apparemment peu propice et nous en sommes venus à la conclusion que le poisson était doté d'une intelligence et n'était pas plus con que nous. Les zones surpêchées, du moins par les chasseurs, se vidaient du fait de l'intensité de l'activité, non pas comme on le dit, habituellement et trop facilement par les écologistes négatifs, par sa disparition pure et simple, mais plutôt à notre avis, par son propre instinct de conservation.
Plus tard l'Estartit devint la plus grande réserve méditerranéenne et le poisson retrouva paisiblement ses marques grâce à l'initiative de l'homme. Je revins bien des années en tant que plongeur pour saluer mon ami de maintenant et adversaire d'antan, mais avec une certaine réserve cependant, c'est qu'à force de gaver et gâter ce poisson, il en devient un animal domestique ou de cirque, ne réagissant plus comme les fiers méros sauvages de nos chasses.

Les daurades des Pierres de la Chèvre :
Il y avait la saison de la daurade et chacun avait son poste. Un jour Georges Lebissonet et moi décidâmes de prospecter du côté des pierres de la Chèvre, un sec de pierres plates entre Pormiou et l'île Maire, une zone de passage de daurades lors de leur migration saisonnière. Georges, qui avait repéré précédemment des méros du côté de Maire, me laissa sur ces pierres, apparemment vides. Je commençais à sonder, une action qui consistait à pratiquer des apnées à mi-eau pour repérer toute activité animale aux abords des entrées et sorties des pierres plates sans effrayer le poisson. Soudain, lors d'une remontée de 10 mètres j'entendis un bruit sourd qui s'amplifiait, énorme. En même temps, venant de la même direction un essaim innombrable de petites daurades paniquées arriva sur moi et surpris par ma présence se réfugia, à qui mieux mieux, dans toutes les pierres environnantes. J'étais en fin d'apnée à 6 mètres de la surface, lorsque je vis la masse d'un cargo de plus de 60 mètres passer au-dessus de ma tête. C'est long 60 mètres, il m'avait fallu une force psychique exceptionnelle pour redescendre plus bas et résister à l'asphyxie, enfin je pus remonter in extremis au bord de la syncope. Les pierres de la Chèvre étaient aussi le passage de grosses barges se rendant à la carrière de graviers de Pormiou et, bouée ou pas, elles tiennent leur cap, imperturbables, la mer leur appartient!
Reprenant mon souffle et mes esprits, une pêche fantastique s'offrait à moi tout seul avec la multitude qui grouillait en bas. A moi de procéder avec méthode pour ne pas faire fuir le poisson et la tuerie se développa, apnée+tir+accroche poisson, tel un métronome, 30, 40, 60 fois en moins de 3 heure, en prenant soin de tirer les plus grosses environ de 500 à 700 grammes, ma bouée puis mon accroche poisson de taille se saturèrent, je devais bien porter déjà 50kg soit près de 100 pièces. Georges arriva enfin avec le zodiac, il était déjà 16 heures, et se mit à l'eau pour parachever le massacre. Nous terminâmes la nuit avec plus de 80 kg de petites daurades pour le plus grand régal des convives du Saint-Georges et nos poches pleines de Napoléons!

Le mariage des Mérous d'Adra :
Bien que je n'y avais pas participé par suite d'une mission Comex, je vous dois de vous raconter cet événement qui n'arrive qu'une fois dans la vie d'un chasseur sous-marin.
Mes copains firent un safari en Espagne, à Adra près de Motril, toujours les mêmes, plus Dédé Parthenay qui me remplaçait. J'espère un jour récupérer les photos d'une pêche de deux jours avec près de 600 kg de méros par ces 4 lascars. Longeant la côte sablonneuse avec les deux zodiacs, ils furent intrigués par le ballet aérien d'un vol de mouettes, au-dessus d'un troupeau de dauphins, écumant un banc de sardines au grand large. A leur approche, la mer bouillonnait et quelle ne fut leur surprise d'apercevoir, entre deux eaux limpides, des mérous énormes tournoyant. Ces mérous étaient rassemblés, par je ne sais quel mystère, autour d'un gros champignon rocheux par -15mètres, un rocher oû il n'y avait même pas un trou pour s'abriter. Ils se mirent à tirer inlassablement en pleine eau des pièces de 8 à 18kg, et le lendemain, ils remirent cela, avec moins de densité cependant. Ils sont revenus d'autres fois sur cette zone, mais jamais plus ils ne rencontrèrent à nouveau ce phénomène. J'eus l'occasion des années plus tard d'observer ce phénomène, mais en Algérie.


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Mon copain, Serge Jariel de Montpellier, dont je fis la connaissance à Oran dans les années 70, vient de me faire parvenir son album photos souvenirs de ses chasses là-bas, j'en expose quelques unes, en attendant qu'il veuille bien nous relater quelques fameux détails de son aventure sub qui, à n'en pas douter, doit être aussi riche que la mienne et j'espère que son fils Eric prendra aussi le clavier pour raconter son grand bleu, lui qui fait partie de la troisième génération.

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Web generationsgrandbleu.free.fr

Mariage de mérous