SOUVENIRS

La Deuxième Génération, la mienne:

Les années 1965/1969, Marseille
Suite...3.

 

En m'installant à Marseille, je retrouvai quelques figures de ma jeunesse. Le premier d'entre eux , Pierre Gonzalez, qui avait transposé son magasin d'Antiquités "Le Cid" de la Place des Victoires à la Rue Aldebert, jouxtant la rue de Rome. Avec lui, j'entrais de plein pied dans le monde subaquatique de Marseille, le Centre de l'Univers en ce domaine. Ainsi dans mes temps de loisirs, je cotoyai l'élite et participai à quelques safaris européens. Bien sûr ce n'étaient plus les pêches d'antan avec mes deux à trois tonnes/an de poissons, mais il y eut de belles pêches, surtout dans le Sud de l'Espagne.
Mais je travaillais et cela voulait dire quelque chose en France à cette époque qui n'était pas encore, loin s'en faut, les 40 ou 36 heures ou 18 heures des fonctionnaires de maintenant, tas de feignasses!
Surtout, après une tentative d'approche auprès de la Société des Requins Associés, la Société de qui vous savez, surtout célèbre par son film culte :
" Le Monde Du Silence", et m'étant renseigné sur la lamentable ambiance qui régnait à bord de la Calypso, j'intégrai la COMEX, alors petite entreprise de travaux sous-marins avec une vingtaine de personnes au total, mais avec à sa tête, un très grand Monsieur, Henri G. Delauze. Il fut pour moi, après mon père, Yvon et Marc Valentin, mon Maître, le Capitaine d'Industrie, le seul en qui j'ai reconnu l'Autorité et ce sont des hommes comme lui qu'il faudrait dans ce pays pour ramener les qualités humaines essentielles à ce peuple détourné et pourri par des politico mafieux. Elle est belle la démocratie des assistés carriéristes, les moutons de Panurge, les Beni oui oui! de la presse à tendance ou syndicale, ces fils de Pub. Tu m'as dis "opinion publique"?




















L’aventure professionnelle du Grand Bleu

N'étant ni nageur de combat, ni diplômé de plongées, je fus engagé comme dessinateur, rattaché au projet de construction des deux premières cloches de plongée, Pollux et Castor, qui allaient ouvrir la voie de la notoriété à cette nouvelle Société, dans l'application de nouvelles technologies en matière de recherche pétrolière Offshore et d'intervention humaine sur les forages et les têtes de puits de pétrole dans le profond des mers. La Comex avait aménagé un Centre Civil d' Expérimentation en Hyperbarie, unique au monde. Et sous la houlette du Professeur Fructus, je servis, comme d'autres, de cobaye comportemental en respirant des mélanges de gaz appropriés, hélium, oxygène, azote puis hydrogène et en enfilant des perles sous des pressions de 10 à 20 bars, soit entre 100 et 200 mètres de profondeur correspondante, avec des paliers de décompression qui duraient de nombreuses heures, alors que je n'avais encore jamais plongé en bouteille en mer.
L'occasion de faire mon baptême de plongée à l'air comprimé me fut donnée rapidement, lorsque mon patron m'envoya avec une équipe de scaphandriers superviser et contrôler le déroulement du lancement en continu d'une canalisation de 13 km de déjection des boues rouges à l' Usine Aluminium de Grèce dans le golfe de Corinthe à Delphes. L'opération dura 48 heures en continu de plongées entre 30 et 70 mètres sans dormir ni manger. Cela fut plus qu'un baptême sans école et sans diplôme. Quand je pense que maintenant, lorsque que je veux plonger une demi heure à 20 mètres en plaisance, il faut que je présente un diplôme de plongeur autonome avec 4 années de stages Padi ou CMAS! Fallen Plums!
Ma carrière de scaphandrier commença donc et ce fut une série d'aventures à travers le monde avec des retours stand by d'abord à Marseille, puis sur place dans les différents pays oû nous opérions.
Mes premiers chantiers fut la pose de pipes hydrocarbures dans l'étang de Berre, puis dans les grottes de Sormiou à Cassis, la consolidation de la canalisation de rejet des boues rouges de l’usine de Gardanne contre les effets des fortes houles, à la brouette sous-marine et au parachute.

Nous faisions de la spéologie à la fois souterraine et sous-marine, à la Fontaine Lévêque dans les Gorges du Verdon, dans un siphon aquatique de 400 ml de profondeur à l'intérieur de la montagne, en remplacement de l’équipe Cousteau en échec, quand mon patron me fit appeler pour une mission d'expertise urgente en Grèce.
Une catastrophe écologique était en train de se produire dans le golfe de Corinthe. Les boues rouges toxiques de l' Usine Aluminium de Grèce commençaient à s'étaler dans les eaux. Il fallait rapidement déceler la cause de cette fuite et l'Usine était en arrêt forcé. Delauze me donna illico presto un billet d'avion pour Athènes et des dollars et " démerde toi! " Le lendemain, avec comme bagage, mon barda de parfait petit plongeur mobile comprenant le sac complet de plonge, 2 bibouteilles corailleurs, un compresseur Bauer 6m3,( je crois bien que ce fut une première dans notre corporation), je pris l'avion pour Paris et ensuite pour Athènes. Arrivé à l'aéroport, oû tout le monde parlait 36 langues, je louais une VW Coccinelle, me faisais renseigner sur le parcours au syndicat d'initiative du tourisme local, et en route par une nuit glaciale à l'assaut du mont Parnasse, couvert de neige sous une tempête titanesque. A tel point que je vis, dans mes phares embrumés, un loup énorme et fauve, en quête de nourriture. Qu'il était beau! une bête magnifique, le premier loup que je voyais, bien plus beau que nos gras bergers allemands ! Je n'en éprouvai aucune crainte, tellement ma fascination était grande lorsque je descendis pour mieux l'admirer. A deux pas de moi, il m'observa posément de ces yeux lumineux et s'en retourna tranquille dans le ravin. A ce moment là, je pensai à Zeus, le père des dieux Grecs et je me souvins aussi des chacals de mon enfance qui, à force de les fréquenter, m'avaient guéri de la crainte viscérale de l'homme et de l'enfant devant les bêtes dite sauvages, et cet avantage me servira tout au long de ma vie d'aventures.
J'arrivai aux premières lueurs du jour à l'Usine, construite au fond de la baie, au bord même de la plage, le spectacle,
"aux aubes», était somptueux, l’eau d'un rouge écarlate, la neige tout autour, sous le soleil du matin, et le pic du Parnasse face au golfe. Ce jour-là comme tant d'autres à cette époque, il m'a manqué la pellicule pour fixer à jamais ces souvenirs uniques. Et je dormis, quelque peu, dans la voiture, en attendant l'heure du travail.
A la réunion extraordinaire du staff technique de l'usine sous la direction du PDG, le problème me fut exposé et l'on émit l'hypothèse qu'un choc accidentel avec un objet non identifié aurait pu occasionné la rupture de la canalisation. Je fus chargé d'opérer des inspections dans la zone côtière jusqu'à 60 mètres de fond, mais on me mit en garde contre la toxicité dangereuse des boues rouges "'aluminates de zinc" au contact de la peau, et des muqueuses. Je me fis étancher à l'extrême de telle sorte qu'aucune partie de ma peau puit avoir le contact avec ce poison et je camouflais ma bouche et le détendeur de respiration avec du sparadrap. J'étais tel un cosmonaute (les filles secrétaires grecques de l'usine me prenaient pour James Bond, dont les films étaient in à cette époque, et voulaient absolument m'aider à me déshabiller lors de mes retours, elles étaient déchaînées, mais les mâles indigènes me faisaient
le malo de ojo). J'y opérais des plongées successives, à l'aveugle, durant trois jours, dans une eau polluée, opaque, et dense, pratiquement de la boue, mais je fus intrigué par la densité extrême de cette boue dans la zone de marnage seulement et pourtant je ne décelai aucune faille, aucune fuite. Je me désolais de découvrir aussi de gros espadons morts empoisonnés. Au troisième jour, réunion générale, pour constater l'échec de la mission et la consternation quant à trouver une solution. Mais je leur exposais le fait que le dépôt des boues à la côte ne correspondait pas à l'idée que la fuite puit se trouver forcément dans la zone côtière. Je demandais alors à examiner les cartes météo du coin et le profil d'installation de la conduite sous-marine. Il fut évident de constater que les courants marins portaient systématiquement les déchets à la côte et que la fuite pouvait venir alors de n’importe oû, le long de cette conduite de 13 km, qui atteignait en son extrémité la profondeur de 300 mètres. C'était encore plus grave que prévu et dépassait la simple inspection que j'avais faite. Mais la cause de la fuite annoncée troublait une évidence, que je soulevais lors de l'examen des profils bathymétriques du fond au droit de la conduite, car on remarquait dans la zone des 100 mètres une cassure du terrain qui de la pente douce passait à une profondeur brutale de 110 mètres à 140 mètres en une trentaine de mètres, en somme une petite falaise sous-marine. Comme c'était le seul accident du terrain le long du profil de la conduite, on pouvait penser que le tube, se trouvant dans le vide sur une centaine de mètres, pouvait avoir eu un léger affaissement dans le temps et donc une cassure partiel à ce niveau des 110 mètres. Sinon à fermer tout de suite l'usine pour des années et relancer un canal neuf, il fallait inspecter cette zone comme ultime recours, ce qui était possible en tant que simple inspection, mais jamais scaphandrier au monde n'avait encore entrepris de tels travaux à cette profondeur. J'eus l'audace de mentir et de dire que la COMEX avait une cloche capable d'emmener des plongeurs pour effectuer des réparations à 100 mètres, elle n'existait alors que sur plan. Le PDG et les ingénieurs me soumirent un marché d'intervention immédiat, je négociais sur le conseil de Delauze par Tél. un délai de préparation, essai et transport du matériel de trois mois.
C'est ainsi que la Comex eut son premier gros marché. C'était cela Delauze, en trois mois, il réussit le tour de force de construire le matériel, d'expédier la cloche Castor et son supply boat par cargo à Delphes dans les temps et l'opération de coffrage et soudure en première mondiale réussit. La Comex de 30 scaphandriers devint alors en quelques années une Entreprise immense avec plus de 1500 employés dont 300 scaphandriers opérant de part le monde,
first in the world de cette spécialité.

Je partis pour la Mer du Nord pour six mois, rattaché comme plongeur de sécurité à bord de l'Orient Explorer, une plateforme offshore opérant au milieu de la Mer du Nord avec comme base logistique Lowestoft dans le Suffolk en Angleterre, puis ensuite Rotterdam. La vie aurait pu être pénarde à bord surtout avec le stand by à terre oû les filles foisonnaient à défaut des poissons, mis à part quelques plies et tourteaux pêchés sous la barge, mais l'hiver dans cette mer est terrible et nous avons eu souvent des pépins. Imaginez la tempête avec des vagues énormes pouvant atteindre vingt mètres, le froid glacial de l'eau à +4° et dehors jusqu'à -10°, les eaux au mieux vertes, sans oublier les courants de 3 à 7 noeuds qui sévissaient toutes les 6 heures aux marées montantes et descendantes,
oû étais-tu, ma douce et bleue Méditerranée! .
J'ai retenu deux évènements principaux parmi tant d'autres qui m'ont marqué là-bas.
L'hiver 1966, Neptune en perdition, une tempête extrêmement violente éclata et la barge ne put résister aux assauts des déferlantes, nous dûmes remonter les quatre pieds de la barge en catastrophe et nous pûmes la mettre en flottaison de justesse, sinon elle aurait renversé avec la mort assurée pour tous. Un S.O.S fut lancé mais aucun remorqueur n'avait pu contenir la barge et la ramener à bon port et nous dérivâmes au gré des courants violents pendant trois jours. La télévision mondiale avait annoncé notre perdition et mes parents à Marseille me crurent mort. Mais la tempête se calma et les remorqueurs purent nous retrouver, nous ramener au "drilling shift" et le travail reprit. Nous prîmes un repos bien mérité à Lowestoft , à se saoûler et se bagarrer avec les Britishs dans les pubs, because les filles qui draguaient effrontément les French boys :
"A nous, les Petites Anglaises" .
Mais je fis une connaissance sérieuse avec une petite pharmacienne proche de mon hôtel et naturellement elle m'emmena chez ses parents, c'était déjà une coutume pratique là-bas, les parents préférant contrôler ainsi les fréquentations de leur progéniture
(je suppose que je devrais bientôt le faire avec ma fille, ici!). Cette commodité me servit grandement, le jour oû j'ai eu le seul accident de ma carrière de plongeur.
En effet, l'action de la forte houle au large sapait, d'une manière constante, les fondations des pieds de la barge et les plongeurs, en ces temps d'hiver, devaient, tous les jours, descendre au fond pour consolider, au moyen de sacs de gravier et de béton, le pourtour des socles, pour empêcher l'affouillement du sable qui risquait de déstabiliser la plateforme et provoquer son renversement. C'était un travail de bagnards de manipuler au fond des sacs et des sacs pour en faire un mur chaque jour. Ce n’était vraiment pas un bon concept de construction, sûrement conçu par des ingénieurs terrestres ne connaissant pas la mer. Mais, ce qui était très dangereux pour nous plongeurs, c'était la descente, au moyen d'un ascenseur à claire voie, depuis la barge à 20 mètres au-dessus de l'eau vers le fond à -40 mètres en traversant le point critique, c'est à dire le franchissement de la surface de la mer, au moment oû une grosse vague venait frapper le bastingage. La commande de descente était actionnée depuis le desk sur la plateforme et sans tenir compte de la houle. C'était idiotement dangereux et ce, qui devait arriver, arriva. Poséidon avait décidé de me frapper et une grosse vague me happa dans la cage et me projeta violemment contre la paroi et je disparus sous les eaux. Mon binôme Philippe Siallelli eut le réflexe de se jeter immédiatement à l'eau et me découvrit aussitôt au fond sans connaissance. Il me ramena sur la barge et après les premiers soins du docteur de bord, je fus transféré par hélicoptère à l'hôpital de Lowestoft. Diagnostiqué avec trois côtes cassées et sur l'insistance de ma belle fiancée, je me réfugiais chez elle pour jouir d'une convalescence bien méritée de trois semaines.
" Le repos du guerrier"
Le terme de mon affectation à Lowestoft arriva, je devais rejoindre Orient Explorer en réparation à Rotterdam pour quelques inspections de la coque et puis prévoir mon départ définitif du nord pour le sud: l'Afrique.
Les adieux furent émouvants, mais bien que nous ayons beaucoup d'affection, nous dûmes accepter cette séparation définitive avec lucidité sachant bien qu'un univers séparait un vagabond célibataire d'une gentille bourgeoise. Nous avions pu néanmoins profiter l'un de l'autre quelques mois et le plus important aura été de garder un tendre souvenir de l'autre.
Pour l'anecdote, Jackie ne parlait pas un mot de Français et moi pas un mot d'Anglais. Elle m'apprit cependant le peu que je sais, étant donné que, bien que j'ai eu à travailler souvent avec des Anglo-Saxons, il ne me fut jamais possible d'entendre l'Anglais, j'ai su tout seulement en comprendre l'écriture, ce sera toujours ainsi. Le prof d'Anglais de ma fille n'est pas arrivé à comprendre cela, lorsqu'il me convoqua pour se plaindre de la faiblesse de ma fille qui a, hélas, hérité de mon infirmité. Il ne comprend pas qu'elle ne pourra jamais apprendre l’Anglais oralement, je lui ai demandé de faire un effort particulier pour écrire en même temps sur le tableau noir que son cours magistral,"hada makane, all is it!", mais c'est trop lui demandé, n'est-ce pas?

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Profession: SCAPHANDRIER